J'ai suivi avec émotion le sauvetage des mineurs de Copiapo. Je crois que le Chili a donné un bel exemple de solidarité et d'unité dans l'adversité ainsi que de savoir-faire. Les Chiliens ont raison d'être fiers.
Une tâche énorme attend les autorités et les puissants: offrir des conditions de travail dignes à tous les travailleurs, et pas aux seuls mineurs. Puissent les chefs d'entreprise tirer les leçons de ce drame qui a tenu en haleine le Chili, mais aussi la planète. La solidarité sociale du haut vers le bas est plus facile à proclamer qu'à réaliser, car les graves inégalités entre les classes jouent contre elle. En revanche, la solidarité horizontale semble plus naturelle entre gens que rapprochent les conditions de vie.
Oui, on doit se réjouir pour ces 33 mineurs et leurs familles. Mais on doit aussi être critique. D'abord cet éboulement n'aurait jamais dû arriver. Au fond, l'État chilien (et ceux qui ont travaillé au sauvetage) n'ont fait que réparer les pots cassés. On peut même penser que Sebastián Piñera a exploité la situation á son avantage. Confiant (c'est un spéculateur, donc un gambler, quelqu'un qui prend des risques calculés), il fait du sauvetage auquel il croyait -- ses conseillers techniques ont dû le rassurer -- une opération de relations publiques à l’interne et à l’externe. Il a su transformer un fiasco (l'accident) en un succès en en mettant plein la vue (en médiatisant au maximum, en gonflant le suspense) pour le public chilien et international. Il est incroyable que ce sauvetage ait suscité autant d'émoi en direct, en continu. On peut soupçonner la manipulation. Piñera a créé un événement. Sur place ce fut un "reality show". Il a transformé des victimes en héros. Il a joué sur la fibre nationaliste au maximum. Oui le Chili a sauvé "ses 33 mineurs", mais c'est l'incurie, l'irresponsabilité, la cupidité des entreprises et la complicité de l'État qui les a d'abord exposés à la mort.
N'oublions pas qu'il y a eu plus de 191 000 accidents de travail au Chili en 2009, dont 443 morts. Au premier trimestre de 2010, il y eut 155 morts. En matière de sécurité, le Chili n'a pas de raison de pavoiser. On fait grand cas des 33 mineurs sauvés pendant que des travailleurs meurent dans les usines, sur les chantiers de construction, sur les bateaux, dans la forêt. Et que dire des salaires?
Piñera va pouvoir surfer sur la vague quelque temps. Mais j'espère que la réalité va le rattraper et faire craquer cette "image". Il en faudra plus pour transformer le "Chili, inc."
Ayant travaillé deux étés dans un mine dans mon village natal, j'étais sensible au drame et me réjouis du sauvetage. L'émotion passée, il faut voir la réalité comme elle est.
Le parcours de Piñera, son ancrage à droite, ses complicités passées, son idéologie d’entrepreneur qui croit au néolibéralisme, sa quête d’investissements étrangers et de séduction des investisseurs n’augurent en rien d’une transformation du Chili. Plusieurs mineurs ont fait étalage de leur foi, de leur religiosité. Piñera en a ajouté remerciant Dieu pour le succès de cette « libération ». Il a déclaré à plusieurs reprises que ce drame avait changé le Chili. Il ne fait pas de doute que les travailleurs, à commencer par les mineurs, vont réclamer des changements dans les conditions d’exploitation des mines. Cet incident a éveillé la conscience de tous les travailleurs. Oui, sur ce plan, le Chili a changé. Voyons comment et jusqu’où le patronat et l’Etat sauront répondre aux demandes légitimes des travailleurs. Rappelons que le code du travail imposé sous la dictature est toujours en vigueur.
jeudi 21 octobre 2010
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